La fête des masques et marionnettes de Kirango

17 juillet 2021

La fête des masques et marionnettes de Kirango

Situé à 35 km dans le cercle de Ségou, sur les rives du fleuve Niger, le village de Kirango (communément appelé Kirango-Bè), a abrité du 26 au 28 juin 2021 ,son emblématique et traditionnelle fête des masques et des marionnettes.

En consortium avec l’ONG I4AFRICA, les ressortissants de Kirango résidant à Bko-Ségou, Sikasso, Mopti et de tous les horizons du monde n’ont pas manqué cette belle opportunité pour perpétuer une fois de plus les rites et traditions des dignes descendants des royaumes bambara de Ségou.

C’est aux environs de 9h du matin après des séances de photos au rond-point du monument historique du Capitaine (Salen en bamanakan) de Diamarabougou (localité voisine de Kirango) que les premiers tons des festivités ont été donné. Trois coups de sifflet par intermittence, dans la corne d’antilope mystique du crieur public Amadou Traoré.

C’est en avançant en file indienne dans un cortège de véhicules et de motos, que les premiers visiteurs ont franchi l’entrée principale du village sous des applaudissements et des chants en chœur mélodieux du terroir. Ils louaient les vertus sociales de la contrée et du « bamananya »(les concepts bambara).

Parcours de convoi

Comme le veut la vieille tradition, le convoi s’est tout d’abord dirigé chez Tinèma Coulibaly, le chef du village pour les salutations d’usages et les premiers mots de bienvenue aux différentes délégations. Après la chefferie, la foule en liesse s’est rendue chez Balla Coulibaly, l’actuel chef du groupe d’âge « le Ton ». Les notes des fanfares traditionnelles du « Tchoumba »( tam-tam local) résonnaient, et on pouvait admirer les esquisses des pas de danses d’Aminata Diarra et de Sitan Coulibaly. Elles étaient toutes deux habillées en costume folkloriques (Korodouga), avec des parures aux allures carnavalesques.

La première portait un sceau d’eau sur sa tête et le faisait bringuebaler à chaque foulée, pour exorciser les lieux et chasser les mauvais esprits. Et sa doublure, couchée à même sur le sol invoquait des cris symboliques qui se traduisaient à la fin par des formules incantatoires avant de s’abreuver à l’aide de sa gourde.
Alignés en suivant l’ordre chronologique de l’organisation sociale de l’ancien royaume bamanan de Ségou, « le Fama » (chef de groupe) et les autres membres du groupe ( les Ton-Denw), portaient de grands boubous blancs avec des pantalons bouffants. Cette tenue était assortie d’un bonnet en forme de gueule de crocodile, plus connu sous le nom du « bamaba dèh ». Ils étaient tous assis sur des nattes étalées sous l’ombre d’un grand hangar.

La Visite du Jarajan Sô et du Sogo Sô

Avec la cohorte du chef de « ton » à sa tête, un bain de foule de toutes les tranches d’âges (enfants, jeunes et vieux) s’est dirigé vers la tombe sacrée de Jarajan (fils de Monzon et digne descendant de la dynastie des Diarra qui s’est illustré par ses connaissances en islam).

Ce lieu saint de Kirango est visité par des milliers de pèlerins qui viennent de partout à travers le monde, pour faire des offrandes après les vœux exaucés. Ils implorent cet érudit du saint Coran, parti exclusivement apprendre l’islam dans la dynastie des Kounta à Tombouctou.

Comme totem, la tombe sacrée de Jarajan appelée « Jarajan Sô » par les autochtones du village, a un esprit surnaturel vindicatif qui rappelle la promesse faite à ceux qui ne se montreront pas reconnaissants une fois les vœux exaucés. À défaut de pouvoir effectuer le déplacement sur Kirango après le vœu exaucé, on peut remettre ces offrandes à toutes personnes originaires du village pour éviter toutes surprises désagréables dans un futur proche.

Les frères Minkoro et Drissa Traoré sont les détenteurs du savoir-faire générationnel du Sogo Sô (la maison des masques et marionnettes) et pratiquent cette activité à but non lucratif avec la plus grande dextérité depuis des décennies pour ne pas perdre les racines de leur culture bambara. À savoir, les Traoré possèdent également un petit musée fait-maison pour la protection et la conservation des masques et marionnettes.
Plongé en plein cœur de l’organisation sociale du royaume bambara de Ségou avec une très belle vue panoramique sur le fleuve Niger, même les touristes les plus blasés ont été émerveillés par la splendeur du décor et des costumes folkloriques.

Place au spectacle !

C’est devant une forte affluence de plus de 3.000 spectateurs et des invités de marque comme le maire de la commune rurale de Markala M.Adama Siby, M. Mamadou Traoré, le maire de Bagadadji, le parrain M. Lassinè Diakité, fils du terroir et notable de son état, le roi du Kamalen N’goni Yoro Diallo, Madame Koudedia Doumbia, présidente de l’association Faro de Koulikoro et la diva des chansons traditionnelles Bozo somono et Bozo, Mamou Thiero que la longue parade des masques et des marionnettes de Kirango commença.
Formant une haie d’honneur avec un cercle de danseurs les uns derrière les autres, c’est sur les belles voix suaves de Aminata Traoré, Wawa, Amadou Traoré, Gaoussou Diakité rythmées par les jeux de tambours assourdissants du « Tchoumba » que le bal des masques et marionnettes s’est ouvert par « Gonfarima »(le méchant chimpanzé) suivi de plus d’une vingtaine de masques et de marionnettes du terroir : la vipère rouge (Dangala wulen), le buffle (Sigui) qui retrace l’histoire de Dô Kamissa(mère de Sogolon), la cigogne ( Banikono) pour annoncer l’approche de la période hivernale, le cheval blanc (symbole de la royauté), le lion (Roi de la forêt), la sirène ( Djila Mah), le serpent magique, le capitaine (Salen), la hyène (Naman) pour donner des leçons de morale sur la cupidité et la gourmandise, le scorpion (N’goson), le cerf, Founou-Founou Djènèba (le tourbillon Djènèba), les deux antilopes géantes et de plusieurs marionnettes sous forme de représentations humaines, animales et surnaturelles. Ces créatures et personnages réels et mythiques comme le personnage de Bilissi ont tous un point commun avec les origines et l’histoire des groupes ethniques bozo, somono et bamanan de Ségou.

En alternance avec des interludes musicaux des chants du terroir, la chantressse des épopées bozo et somono Mamou Thiero a aussi fait des prestations rhapsodiques sur les vertus des N’golochi (les dignes descendants de N’golo), choses qui ont été l’un des temps forts de la soirée.
C’est finalement très tard dans la nuit aux environs de 1h15 du matin après plus de 6 heures d’horloge que le défilé a pris fin devant un public admiratif et insatiable qui avait hâte de suivre les prochains épisodes de la saga des dignes descendants de Ségou et de la mythologie bamanan.
Rendez-vous a été pris pour le deuxième jour de la fête.

Crédit photo :I4AFRICA
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